ARTICLE DE BENJAMIN BASSET EDITE DANS LA REVUE NOS CHASSES MIGRATEURS

Photo Benjamin Basset
LA PEUR DU COUP DE FEU
La peur du coup de fusil est une phobie. Une phobie est une crainte excessive et disproportionnée pour certains bruits ou événements…par exemple l’orage, feux d’artifice, pétard ou, pour ce qui nous intéresse, les coups de feu.

IRREMEDIABLE ?
Si depuis toujours la majorité des dresseurs professionnels ne souhaite pas traiter ce problème, certains proposent maintenant une guérison en quinze jours. Le résultat serait pour ainsi dire garanti…Cout de l’opération 600 Euros environ, 150 en cas d’échec, pour les frais de pension. Outre la somme relativement élevée à débourser, il est toujours inquiétant de confier son animal à une personne inconnue, mais pourquoi ne pas envisager cette solution, dernière alternative à l’échec définitif. Ces «thérapies», ou plus certainement «méthodes» sont opaques pour le grand public. Sans aller jusqu’à imaginer qu’elles dérivent du «maraboutage» ou autre diablerie, il est bien délicat de confier aveuglément son animal à un tiers et l’attachement qui nous unit à nos chiens renforce encore nos incertitudes. Quoiqu’il en soit il est primordial de s’adresser à des gens compétents afin de ne pas aggraver le problème par des erreurs de rééducation.

MIEUX VAUT PREVENIR QUE GUERIR !
Pour ne pas se retrouver «au pied du mur», c’est-à-dire voir disparaitre notre Médor aux premiers coups de feu d’un matin d’ouverture, et le récupérer tout tremblant dans un buisson ou caché sous notre véhicule, alors qu’il aurait suffi de prendre quelques précautions qui sont partie intégrante de l’éducation du chien de chasse. Car même si votre jeune parait bien équilibré, ne sous estimez pas le risque. Certains éleveurs sérieux jugent utile d’habituer très tôt les chiots à toutes sortes de bruits insolites. Pour cela ils utilisent des CD qu’ils font tourner en boucle dans
Prévenir la peur du coup de feu est fondamental. Celui qui néglige cette partie de l’éducation s’expose à de sérieux déboires. Et parce que nous savons mieux que les autres, nous les chasseurs, combien il est difficile de former correctement un jeune chien, nous ne pouvons risquer une telle désillusion. Cette précaution nécessite peu de temps et nul besoin d’employer de grands moyens. A la portée de tout un chacun il serait donc bien sot de s’en priver.

Encadré !
Daniel Tardy a accepté de nous dévoiler les principes du dressage à l’anglaise. Méthode toute en douceur qu’il met en pratique depuis 20 ans avec ses springers du Puits Lachaud. A la lecture du palmarès obtenu par ses chiens en concours de travail tant en France qu’à l’étranger, on peut légitimement considérer ses conseils comme du plus grand intérêt.
« Il faut toujours être prudent avec un jeune chien qui n’a jamais entendu de coup de feu, une préparation s’impose avant de le faire chasser.
Pour ma part, j’attends que mon jeune élève soit passionné de chasse. Je le sors sur le terrain où je dispose préalablement quelques cailles bien volantes. Je prends mon fusil et mon pistolet d’alarme. Je lui laisse lever les premiers oiseaux sans tirer, mais en faisant des mouvements avec le fusil. Après deux ou 3 levées, je tire avec le pistolet en levant le fusil et je regarde le comportement de mon élève. S’il poursuit son exercice sans crainte, lorsqu’ il revient à moi, je le félicite et l’invite à reprendre sa tâche. Je renouvèle cet exercice deux ou trois fois, puis en restant éloigné de lui je tire un coup de fusil en lui jetant un gibier mort que je lui fais rapporter en le félicitant. En général le chien associe le gibier, le coup de feu et le rapport.
Mais attention, ce n’est pas toujours gagné ! Si vous emmenez votre jeune chien le jour de l’ouverture de la chasse ou pour l’ouverture de la chasse aux canards, tenez-vous éloignés des mitraillades : chassez à l’écart. Si vous tirez et que le chien revient à vous, que vous ne le sentez pas tranquille, n’insistez surtout pas. Il faut mieux le rentrer et vous reprendrez l’exercice plus tard.
Certaines personnes ont des résultats en remotivant avant tout le chien en lui présentant du gibier : oubliez alors tout dressage, encouragez le même à poursuivre le gibier et à l’attraper. Lorsqu’ il est bien motivé, vous lui donnerez alors qu’une légère ration de nourriture : il faut que le chien ait faim. Sur le terrain, vous cacherez des gamelles contenant un peu de nourriture. Vous le ferez alors quêter. Lorsqu’il trouvera le gibier ou la nourriture, vous le féliciterez et l’encouragerez à continuer. Vous réitèrerez l’opération plusieurs jours, jusqu'à ce que le chien, une fois lâché, visite le terrain de lui-même pour trouver gamelles et gibiers. Ce jour-là, vous pourrez recommencer vos séances de coup de feu au pistolet.
S’il revient à vous, n’en faites pas cas, continuez à avancer, emporté par sa passion, il repartira. Il faut que ce jeune élève soit heureux, qu’il se sente bien, qu’il ait confiance en vous. Lorsque tout cela sera acquis, vous pourrez reprendre au 1er chapitre.
Il vous faudra beaucoup de patience, de psychologie, mais quand vous y arriverez : Quelle joie ! »
Daniel Tardy